Vers une legislation des téléchargements ?

Publié le par Ed

Le débat très passionné, mercredi 21 décembre, à l'Assemblée nationale autour du projet de loi sur le droit d'auteur a débouché sur une nuit de surprises et de paradoxes. Le coup de théâtre est intervenu lors de la discussion du premier des 29 articles. Contre toute attente, les députés ont adopté, autour de minuit, deux amendements ouvrant la voie à la légalisation des échanges de fichiers sur Internet via le système "peer to peer" (de fichier à fichier), en échange d'une rémunération des artistes.

Cette adoption va à l'encontre de l'architecture du texte défendue par le ministre de la culture et de la communication Renaud Donnedieu de Vabres et revient à autoriser des copies pour des usages privés, non commerciaux, et donc le téléchargement par échanges de fichiers de films ou de musique. Le ministre cherche au contraire, dans son projet, à légitimer les mesures techniques empêchant les échanges de fichiers et à pénaliser le contournement de ces mesures, assimilé à un délit de contrefaçon passible de 3 ans de prison et de 300 000 euros d'amende.

Contre l'avis du gouvernement, ces amendements, défendus par Alain Suguenot (UMP, Côte-d'Or) et par les députés socialistes ont reçu 30 suffrages pour et 28 contre. 22 députés UMP, dont près d'une dizaine a bénéficié de procurations, ont voté pour ces amendements. Le gouvernement devrait vraisemblablement solliciter d'ici la fin du débat une deuxième délibération sur ces amendements afin de les écarter. Et ainsi espérer que ce premier vote ne soit qu'un "incident de séance".

En attendant, Christian Paul (PS, Nièvre) se félicitait dans les couloirs de l'Assemblée de ce "premier signal très fort" pour créer cette licence globale. Soit permettre aux internautes, moyennant paiement de quelques euros par mois, de télécharger toute la musique sur Internet, ce qui légaliserait les pratiques de 8 millions de Français.

Ce vote surprise est le signe, parmi d'autres, que ce texte sur les droits d'auteurs sur Internet divise — comme on l'a rarement vu dans le passé — tous les partis. Et d'abord l'UMP. Des alliances étonnantes se sont nouées, mercredi 21 décembre. Ainsi la députée UMP Christine Boutin a apporté un soutien sans faille au groupe socialiste dans sa défense de la licence légale et s'est même payé le luxe de se moquer du rapporteur Christian Vanneste (UMP, Nord) en refusant de "faire la course à l'échalote" pour savoir "qui était le plus réactionnaire".

Au sein du Parti socialiste, la question divise également. Anne Hidalgo, secrétaire nationale chargée de la culture au sein du PS, ou Jack Lang ne sont pas sur la même longueur d'ondes que les députés du groupe PS, qui militent unanimement en faveur de la licence globale. Quant à l'UDF, le parti de François Bayrou, avant même la discussion du projet de loi, elle s'est pour la première fois de la législature associée au PS pour demander le renvoi du texte en commission. Cette motion a été repoussée par 46 voix contre 20.

Au-delà, la combativité des députés traduit une forte critique à l'encontre du projet global et de M. Donnedieu de Vabres. Sur la forme, le choix de la procédure d'urgence, du calendrier, du fait que le texte n'ait pas été étudié en commission des affaires culturelles et sociales mais en commission des lois, l'impression d'une "adoption à la va-vite" ont été dénoncés à droite comme à gauche. Didier Mathus (PS, Haute-Saône) a regretté "la complaisance" du texte à l'égard des industries culturelles et a souligné "l'étonnant cadeau de Noël fait à Microsoft ou à Sony, BMG ou EMI", intéressés au premier chef par la légalisation des mesures techniques de protection empêchant ou limitant la copie des fichiers.

Martine Billard (Verts) a condamné "la course aux lobbies" tandis que le président de l'UDF, François Bayrou, a fustigé "les risques immenses" liés à "la création d'une police de l'Internet". "Comment se fait-il qu'aucune autorité publique n'en ait été saisie ?", a demandé M. Bayrou en faisant allusion à un amendement tardif du gouvernement.

Car c'est bien la recherche du pirate et la pénalisation de ses actes, prévues dans le projet de loi, qui sont dénoncées par des députés de tous bords, le PS, les internautes, les associations de consommateurs, les bibliothécaires, les universitaires. Ainsi, Frédéric Dutoit (PCF) s'alarme : "Mon fils ne comprendrait pas si le Père Noël, en lui offrant un baladeur, l'envoie en prison" s'il contourne les fameuses mesures de protection pour lire certains fichiers.

S'emportant contre ceux "qui se complaisent en agitant les peurs et les leurres", Renaud Donnedieu de Vabres a bien du mal à convaincre. Au terme du deuxième jour de débat, il restait encore 28 articles et plus de 200 amendements à examiner, dont celui de l'intégration dans le droit français d'une autre directive européenne, moins contestée, sur le droit de suite.

L'Assemblée nationale a suspendu, jeudi 22 décembre peu avant minuit, dans une certaine confusion, l'examen du projet de loi sur le droit d'auteur. Il reprendra, le 17 janvier, à la rentrée parlementaire. Depuis mardi 20 décembre, le projet du ministre de la culture a suscité l'opposition inédite de parlementaires de tous bords, tant par sa méthode que par son contenu.

Après le PS, l'UDF et le PCF dans la journée, le groupe UMP a demandé jeudi, avant la suspension des travaux, la constitution d'un "groupe de travail" pour étudier tous les aspects du problème du droit d'auteur sur Internet. Cette initiative est un signe de plus que les députés estiment le projet de Renaud Donnedieu de Vabres mal conçu. Selon Libération, Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, "très irrité par le degré d'impréparation du texte" envisageait, après s'être entretenu avec l'UMP Bernard Accoyer, de nommer une mission d'information au Sénat et à l'Assemblée pour revoir la copie du ministre.
Sur la forme, le projet a froissé les parlementaires : le choix de la procédure d'urgence (une seule lecture par Chambre), de la date (proche des fêtes) et le fait que le texte n'ait pas été étudié en commission des affaires culturelles et sociales mais en commission des lois, a donné l'impression d'une "adoption à la va-vite". De même, la présence à l'ouverture des débats d'employés de Virgin et de la Fnac venus, à la demande du ministère, faire des démonstrations de portails de téléchargement payant n'a pas été appréciée par les députés.
Source Le Monde


Pour le moment le débat vient d'être suspendu et ne reprendra que mi-janvier.
Personnellement je serais tout à fait prêt à m'acquiter d'une taxe de 5 ou 10€ en plus de mon forfait moyennant le droit de télécharger des medias vidéos, musiques ou autre (uniquement pour mon usage personnelle), néanmoins nous sommes encore loin de cet état "paradisiaque", mais sait-on jamais ...

Publié dans Archives

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article